Interview John Cameron Mitchell

A Publicis cinéma pendant le Champs Elysées Film Festival, nous retrouvons le réalisateur qui ne manque pas d’humour pour une Masterclass sympathique , il nous relate sa vie, ses films…

  • Quel est votre premier souvenir de cinéma ?

John Cameron Mitchell: Mon père était un Général dans l’armée et mère était originaire de Glasgow en Ecosse, j’ai grandi dans un pensionnat bénédictin en Ecosse. Les premiers souvenirs que j’ai ce sont des films qui m’ont été montrés par des moines. On voit toujours des tétons dedans.  J’ai vu beaucoup de comédies avec des infirmières et cela montre bien les contradictions avec le catholicisme. Il y avait un acteur, un gay refoulé et ce sont ses films qui ont bâti l’esthétique du film. Il y avait aussi un film de bette Davis, elle participait à fonder cette esthétique. Le problème c’est que je vivais dans un contexte lié à l’armée, je vivais en Allemagne j’ai vu très peu de films car je ne comprenais pas l’allemand.

  • Quand émet cette envie de raconter ces histoires ?

En tant qu’adolescent, j’ai déménagé tellement de fois, il fallait sans cesse que je m’adapte, je changeais d’accent, je jouais , je créais une nouvelle identité et cela participait à cette envie de raconter des histoires. Ma mère était artiste donc elle m’a vraiment encouragé à faire du théâtre et un de me premiers rôles à l’école catholique.

( Extrait de son film Hedwig and the Angry Inch)

  •  On voit que vous aimez les parties animés, dans votre nouveau film aussi il y a des scènes animés, d’ou vient cette histoire de ce personnage transgenre ?

A l’origine le personnage d’Hedwige s’appelait Hansel,  il était content d’être un garçon et d’ailleurs je n’aime pas trop l’idée de transgenre parce que cela sous-entend un choix. Son seul recours est de traverser le mur de Berlin,  passer à l’Ouest et de se marier avec un soldat américain, décision dirigée un peu par la patriarchie. Le personnage doit lutter contre ce dogme du monde binaire et je remarque que de plus en plus de personnes refusent ce dogme. L’une des sources d’inspiration de ce film était une femme qui était la baby-sitter de ma famille et je me rendais pas vraiment compte à l’époque qu’elle se prostituait, elle était populaire, pourtant elle n’était pas spécialement belle mais elle avait énormément de succès, un rdv tous les jours et quand elle nous gardait dans le camping on devait faire des tours pour sortir. Quand son rencard ne lui plaisait pas elle passait directement par la sortie avec nous. Elle avait toujours cette grande élégance, elle m’a beaucoup marqué, elle s’appelait Helga, elle a constitué une vraie inspiration visuelle pour le personnage, j’en ai parlé à mon scénariste qui voulait que ce soit elle le protagoniste, je la voyais comme un personnage secondaire et à l’époque je voulais jouer ce personnage dans un bar de drague  » le Squeez bar ».

  • Vous aimez la difficulté car commencer dans un premier film à être sur le devant de la scène et derrière la scène ce n’est pas se faciliter la vie, cela a été difficile pour vous cet exercice d’être acteur et réalisateur à la fois?

J’avais pas vraiment d’intérêt pour jouer l’acteur mais je pensais être le seul à pouvoir faire ce rôle et c’était un processus assez long, je devais mettre du maquillage, des talons et je me suis rendu compte que c’était extrêmement dur de se raser à travers le maquillage, c’est un bon exercice car le fait de jouer et chanter permet d’évacuer la pression de la réalisation. Pendant le tournage, j’ai chanté le plus possible en direct.Le fait d’être acteur m’aide à parler avec les autres acteurs et du coup je les vois comme des partenaires et non comme des marionnettes, entre les prises j’essayais de ne pas leur donner trop d’indications, je leur rappelais surtout les motivations de leur personnage. Sur le tournage de Rabbit Hole, je pense à Dianne Wiest, sur la notion de perte elle intériorisait beaucoup et je lui ai dis « essaye d’offrir ce discours plutôt que d’en faire un souvenir » et je pense que ça l’ai aidé car c’était une indication qui était très parlante et qui pouvait se traduire en actes.

  • (Après un extrait de film) Ce film que vous avez réalisé en 2006, « Shortbus » a fait grand bruit avec des scènes de sexe les plus explicites qu’on a vues au cinéma ! Comment on arrive à amener ce degré d’intimité avec les acteurs pour dire « voilà on va montrer ça à l’écran » ?

Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu ce film ! On arrive à ce degré d’intimité avec les acteurs car cela faisait 2 ans et demi qu’on travaillait ensemble et ils en ont peut-être pas l’air mais c’était vraiment difficile pour eux. On a écris les personnages de consort avec les acteurs, c’était intéressant de jouer autour du sexe car souvent le sexe raté est plus intéressant que le sexe réussi, d’ailleurs le porno est du sexe raté.

  • Est-ce que vous êtes familier avec le cinéma de Catherine Breillat, de Gaspard Noé avec Love ou bien Abdellatif Kechiche pour la vie d’Adèle? Est-ce que vous avez vu ces films? Quel regard portez-vous sur ce cinéma vous qui avez dirigé ce genre de scènes ?

Dans certains films français, le sexe est lié à quelque chose de très ennuyeux et triste même si j’adore un film comme « Fat girl » par exemple, je trouve que le sexe ne doit pas être lié lors de la crise existentielle très lourde.

  • En même temps, dans votre film, le sexe est parfois relié à une certaine solitude, malgré un personnage avec une sexualité débridée, c’est un moyen de communiquer pour eux?

C’est vrai, les personnages sont en crise et je pense que cela doit être raconté avec une pointe d’humour, je ne pense pas que ce soit un film sur le sexe, dans ce film c’est comme un langage dans une comédie musicale. J’ai eu une éducation catholique, on m’a toujours dit que le sexe était mauvais, le sexe queer encore pire et donc j’essaye de surmonter cette peur artificielle en essayant de raconter des histoires liées à l’ennui, le sexe peut être aussi traumatique avec des personnages traumatisés, il y en a un qui a un problème de connexion entre son cerveau et son corps, il y en a qui essaye entre guillemets de s’auto-fertiliser en s’autosuffisant et une fois qu’il a joui il pleure car il n’arrive pas à être seul et a un vrai problème de solitude. C’est un peu une tare pour l’humanité, on ne survit pas seul et je voulais en faire une métaphore sexuelle à travers ce film.

Le financement pour un film comme celui-ci aujourd’hui poserait le problème de l’exploitation, notamment des actrices féminines mais dans ce genre d’expérience artistique on pourrait avoir peur avec de la condescendance comme si on essaie d’interdire le sexe, confronté à leur propre peur et le fait d’être prude. A l’époque, les gens qui voulaient interdire » Shortbus » étaient très conservateurs, il a été censuré dans beaucoup de pays. En Corée, ils ont voulu l’interdire, ils l’ont envoyé en Cour Suprême pour faire appel, les lois de la censure ont pu être changées, je suis fier car cela veut dire que les membres de la Cour Suprême ont vus « Shortbus » !

  • Pour Rabbit Hole, c’est l’histoire d’un couple qui ont perdus leur enfant et ils vont se rapprocher du coupable de la mort de leur enfant, parlez-nous de ce film.

J’ai perdu mon frère quand j’avais 4 ans, j’ai découvert cette histoire qui était très émouvante. Nicole Kidman, je ne sais pas trop pourquoi mais elle a vu Shortbus et elle a trouvé un lien avec ce film que je voulais faire.

  • Comment définiriez-vous votre relation ?

Je pense que Nicole Kidman et moi on est assez similaire, déjà on est tous les deux très pâles, elle a une manière de travailler très autonome, elle se dirige elle-même, c’est une réalisatrice en plus d’être une actrice, j’ai une méthode de travail différente de celle des autres, je lui demande après une prise :  » Nicole, est-ce que t’as besoin d’aide ? » je n’ai pas envie d’interrompre son processus de travail, je la vois un peu comme une Isabelle Huppert australienne, elle fait toujours des choix très audacieux, elle est pas vraiment intéressée par le glamour.

  • Je me demandais s’il n’y avait pas un peu de vous dans le personnage de Nicole Kidman de « How talk to girls at parties » dans cette banlieue londonienne ?

On a pas vraiment eu beaucoup de temps pour répéter le film donc elle m’a dit tu vas dire les répliques comme tu aurais aimé le rôle et je vais juste t’imiter.

  • Dans le film, on voit qu’il y a une bande de punks qui rencontrent une bande de  d’aliens et on voit que le punk va être comme un virus de liberté qui va venir combattre cette bande.  C’est une pratique assez étrange, c’est votre vision du punk de le comparer à un virus ?

Je pense que le punk est effectivement un virus mais sain. Au-delà de l’aspect moche et destructeur dans le film si vous en êtes un vous êtes automatiquement immunisé et je pense que beaucoup de virus ont participé à l’évolution de l’humanité. On pourrait dire qu’en 1977 le punk s’est sacrifié pour donner naissance au post-punk et à tous ces courants musicaux qui en ont découlé et je pense qu’aujourd’hui on a besoin de ce scepticisme punk qui est une remise en question de l’homogénéité et du faschisme.

  • Dans Hedwig and the Angry Inch nous sommes en Allemagne. Dans « How to talk to girls at parties » on est en Angleterre dans les années 70, vous avez grandi en Ecosse, quelle relation vous avez avec Londres et qu’est-ce que vous voulez dire dans ce film?

Je n’ai jamais eu vraiment de connexion avec Londres . J’avais à l’époque un attachement pour l’Angleterre et aussi pour la culture punk. Dans les années 70 j’ai vécu à la fois en Angleterre et en Allemagne. A l’époque je passais beaucoup de temps dans les années 80 dans les bars gays. J’ai été dans un énorme manoir que nous avait confié l’armée américaine à Berlin et je pense que ça à la fois influencé Hedwig and the Angry Inch et How to talk to girls at parties.

 

 

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